Dernière minute. Vendredi 20 mai 2016, les salariés de la raffinerie de Gonfreville-l’Orcher, près du Havre (Seine-Maritime), ont voté l’arrêt de la raffinerie. L’arrêt de la production durera au moins 10 jours. Le point, samedi 21 mai 2016, sur Normandie-actu.
Au Havre (Seine-Maritime), la vie tourne au ralenti. Les blocages se multiplient depuis une semaine, aux entrées de la ville. Il y a la pénurie de carburant, mais pas seulement. Les syndicats protestent, depuis mardi 17 mai 2016, contre la loi Travail et le recours au 49-3. L’économie souffre.
Pénurie de carburant en Normandie ? Stations fermées, files d’attente qui s’allongent… Plusieurs préfectures ont pris des arrêtés limitant temporairement la distribution de carburant en raison du blocage, dans l’ouest et le nord de la France principalement, de raffineries ou de dépôts de carburants par des manifestants opposés à la loi Travail. Les préfectures d’Ille-et-Vilaine, des Côtes-d’Armor, du Finistère, de l’Orne, de Loire-Atlantique, de Vendée, de Mayenne ou encore de l’Eure ont pris vendredi des arrêtés limitant à 20 ou 30 litres le volume maximal de carburant pour les voitures, et à 40 ou 150 litres pour les poids lourds.
Plusieurs préfectures ont interdit le stockage de carburant dans des bidons, comme en Seine-Maritime, dans le Calvados, mais aussi dans le Nord, la Somme ou encore le Pas-de-Calais, en appelant « au civisme et à la responsabilité de chacun », ou encore réquisitionné certaines stations pour alimenter en carburant les services d’urgence. Faute d’approvisionnement et confrontées aux craintes de certains usagers qui se sont précipités à la pompe redoutant une pénurie, de nombreuses stations-service se sont trouvées à sec depuis jeudi et ont dû fermer. Ainsi au Havre (Seine-Maritime), vendredi 20 mai 2016, une heure était nécessaire pour trouver une station encore ouverte.
Face au spectre d’une pénurie de carburant, les pouvoirs publics ont décidé vendredi 20 mai 2016 de prendre des mesures de rationnement, et aussi de déblocage par la force de certains dépôts de carburant. Dans le même temps les syndicats ont voté l’arrêt de production de certaines grosses raffineries, ajoutant à la confusion. Selon Certas Energy France, qui gère des stations-service sous la marque Esso, il y aurait « à peu près 10% de rupture sur les essences au niveau français » dans leur réseau avec des problèmes « principalement concentrés sur la zone Normandie et Haut-de-France » et « environ 23% pour le gasoil ». Dans l’Oise, la Seine-Maritime et la Somme, il y a des ruptures sur le gasoil à « quasiment à 100% », a précisé le porte-parole de l’entreprise, Jean-François Vigier. Près de Rouen, les forces de l’ordre ont aussi libéré le dépôt de carburant du terminal Rubis du Grand-Quevilly, et sur quatre dépôts qui étaient bloqués dans le Nord, il n’en restait plus qu’un seul bloqué vendredi soir, selon les préfectures. «Sur les huit lieux de stockage de pétrole (qui étaient bloqués en France), six sites ont été libérés soit par la négociation, soit par l’intervention des forces de l’ordre. Parce que les services publics doivent fonctionner (…) la vie économique doit se poursuivre», a déclaré vendredi soir le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve sur TF1.
Pour permettre le réapprovisionnement des stations-service, le gouvernement a pris « des arrêtés autorisant les camions de carburant à circuler ce week-end », a annoncé de son côté dans un communiqué Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports. Le dossier de Normandie-actu.
Des salariés se lèvent à l’aube pour éviter les blocages
Nous sommes complètement bloqués. On a fait une semaine sans entrée et sans sortie et nos entrepôts sont engorgés de colis. On espère pouvoir les expédier par camion ce week-end. Il ne faudrait pas que cela dure une semaine supplémentaire », commentait, vendredi 20 mai 2016, Bruno Ruppé, directeur d’agence chez Vatinel Heppner Logistique au Havre.
Les 20 salariés de son entreprise font du covoiturage pour se rendre dans la zone industrielle du port du Havre.
Nous nous garons sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute A131, juste avant le pont de Normandie et nous passons par un accès des pompiers. On vient plus tôt, vers 4h30 alors que l’on commence habituellement vers 8h30 », raconte Bruno Ruppé
Certains employés ont annulé leurs congés pour aider. « Il faut faire de la place et réorganiser les palettes dans l’entrepôt pour maximiser l’espace. C’est une perte de temps. » Quelques uns de leurs clients en France, dans la restauration ou des usines, pourraient être mis à l’arrêt faute de recevoir les matières premières.
Bloqué dans une usine depuis trois jours
Dans une usine de la zone industrielle, les salariés ne viennent plus. Un agent de sécurité n’a pas quitté son poste depuis son arrivée, à 18h, mercredi 18 mai 2016. La relève n’a pas pu passer les blocages. Il dort sur place.
J’avais pas mal de stock de conserves dans mon casier. J’ai été prévoyant, je suis un ancien militaire. Mais il ne faudrait pas que cela dure, je vais commencer à manquer de nourriture. », explique-t-il
Une astreinte compliquée
Une salariée d’une entreprise extérieure travaille dans la même usine : « Habituellement, je passe par le pont du Hode et devant Total. Tous mes collègues ne peuvent plus accéder au site.» Elle se dit fatiguée de la situation, dépendante de l’actualité et des mouvements sociaux. Sans aucune visibilité sur la rentabilité de ces journées non-travaillées. Elle suppose que ces jours seront transformés en congés anticipés ou sans solde.
Je suis d’astreinte et s’il se passe quelque chose, je devrais être escortée par la gendarmerie. Sur cette zone, des usines stockent des produits dangereux, alors il y a forcément un risque de pollution, d’incendie ou d’explosion
Une responsable accepte la difficulté, fataliste : « Je ne suis pas contre le mouvement, il faut bien que cela se fasse. »
Des salariés bousculés
Fabrice Tourres, directeur d’Univerre et administrateur de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises Le Havre estuaire (CGPME), déplore les conséquences économiques sur la « quasi totalité des entreprises et des sous-traitants [...] La situation joue sur la pérennité des entreprises dont certaines sont en difficulté. » La CCI a déjà tiré la sonnette d’alarme.
Il a eu de nombreux retours de salariés de la zone industrielle qui auraient été bousculés ou auraient été la cible de lancers d’œufs. Des salariés repartiraient chez eux en bateau, ou effectueraient des traversées illégales avec des convoyeurs.
Des routiers parqués sur des zones d’attente
Autre problématique rencontrée par les entreprises, les camionneurs. Bloqués depuis plusieurs jours, ils n’ont pas accès aux facilités dédiées à l’hygiène. Et si leur cargaison contient des denrées périssables, ils doivent s’organiser pour trouver du carburant afin de maintenant la réfrigération.
Un camion est resté bloqué trois jours sur le périphérique de Caen (Calvados), avec une cargaison de plantes venues d’Italie. Le chef d’entreprise a perdu son stock et n’a aucun recours car l’assurance ne prend pas en charge ces pertes », illustre Séverine Touchard Liandier, déléguée régionale pour la CGPME.
Après les blocages, la pénurie de carburant
Jeudi 19 mai, le Premier ministre, Manuel Valls, a affirmé être prêt à ordonner aux forces de l’ordre de faire lever les blocages des raffineries et des ports. Vendredi 20 mai, des CRS sont intervenus pour débloquer des points stratégiques, délogeant les militants et libérant les passages, notamment près de Rouen. Si des blocages sont levés, la grande inquiétude pèse désormais sur l’arrêt des raffineries. Cinq jours de manœuvres sont nécessaires avant l’arrêt total. Il en faudrait tout autant pour les relancer…